Rappel des faits :
Suite à des investigations diagnostiques préalables à des
travaux de réhabilitation du collège, différents polluants ont été trouvés dans
les sols, hydrocarbures, métaux, solvants chlorés. L’importance des résultats de
ces premières analyses en solvants chlorés a conduit à réaliser un diagnostic
plus précis sur ces solvants chlorés quant à leur transfert vers l'air intérieur, à savoir ici TCE et PCE.
Lisant, dans la presse notamment, de nombreux articles
qui nous semblent entretenir une certaine confusion sur la réalité de la
pollution dans ce collège (erreur entre µg/m3 et mg/m3, risque ou urgence
sanitaire…), nous souhaitons ici revenir sur quelques éléments de
compréhension.
Les polluants principaux dont il est question :
PCE : Tétrachloroéthylène ou Perchloroéthylène :
Catégorie 2A selon le CIRC, soit la liste des agents
probablement cancérogènes
Valeurs d’exposition sur une durée supérieure à 1 an :
·
250 µg/m3 : valeur repère de qualité de l’air.
·
1250 µg/m3 : valeur d’action rapide pour
laquelle le HCSP recommande une action
immédiate visant à faire cesser ou réduire l’exposition des habitants ou
usagers de tout bâtiment privé ou public. Les actions correctives mises en
œuvre viseront à abaisser le niveau de concentration en PCE dans les bâtiments concernés en dessous de 250 μg/m3.
TCE : Trichloroèthylene :
Catégorie 1 selon le CIRC, soit la liste des agents
cancérogènes certains
Valeurs d’exposition sur une durée supérieure à 1 an :
·
2 µg/m3 comme valeur repère de
qualité de l’air.
·
10 µg/m3 comme valeur d’action
rapide ; elle déclenche la mise en œuvre
d’actions correctives pour abaisser la concentration à moins de 2 μg/m3 dans
les bâtiments dans un délai de moins de six mois.
En 2012, le HCSP (Haut Conseil de Santé Publique)
rappelait au sujet du TCE que si la valeur repère de 2 µg/m3 est retenue "des
teneurs inférieures ou égales témoignent d'une bonne qualité d'air il convient de garder à l'esprit que le
trichloroéthylène est un cancérogène sans seuil d'innocuité et que
l'objectif doit toujours être de réduire les concentrations à un niveau aussi
bas que raisonnablement possible".
Le TCE étant un cancérogène sans seuil cela signifie que
les valeurs retenues, le sont à raison d’un risque estimé acceptable. Un
cancérogène sans seuil ne connait pas de dose d’exposition en dessous de
laquelle il n’y a aucun risque.
Les valeurs d’exposition constatées au sein du collège :
Les analyses d’air intérieur ont été réalisées par prélèvements
actifs (Pompage de l’air sur quelques heures) et prélèvements passifs (réalisés
sur 7 jours, généralement minorant l’estimation de 10 à 15 % mais étant la base
sur laquelle il est admis de se fonder pour définir si les valeurs d’exposition
sont dépassées ou non).
C’est tout particulièrement le TCE qui a été retrouvé en
dépassement de valeur d’action rapide dans un grand nombre de prélèvements
passifs au sein des différents bâtiments et étages du collège.
En mettant de côté la galerie souterraine, non fréquentée
par les enfants, c’est dans le réfectoire que le plus fort dépassement en TCE est
constaté : 54,8 µg/m3 du 26 octobre au 2 novembre (65,8 µg/m3 en
prélèvement actif le 2 novembre. Ces résultats sont à comparer au prélèvement
actif de septembre de 213 µg/m3)
Les solvants chlorés étant particulièrement volatils, il
est normal de constater cette grande variation entre les prélèvements actifs de
septembre et ceux de novembre. Températures, vents et pressions atmosphériques
sont des éléments qui induisent ces variations liées au dégazage de la nappe
phréatique et des terres impactées, vers les lieux de vie.
Dans les différentes salles de classe, les valeurs en prélèvement
passif montrent des résultats au-delà de la valeur d’action rapide quasiment
partout. Par exemple, au deuxième étage, les valeurs sont encore conséquentes à
savoir, selon les salles, de 15 à 25 µg/m3 en passif en novembre.
Il est important de souligner que ces documents ont été
mis à disposition du public, quelques jours seulement après l’information de
cette pollution.
Compte tenu de l’importance d’impact en surface d’établissement,
c’est-à-dire 70 % de celui-ci, il était matériellement
impossible de maintenir l’activité au sein du collège en évitant les salles en
dépassement.
Au sujet du risque sanitaire :
Il semble utile de préciser qu’en présence d’un agent
cancérogène sans seuil, il y a nécessairement risque sanitaire. Il faut
également rappeler que le TCE, outre d’être cancérogène avéré est également
mutagène et toxique pour la reproduction. Le risque sanitaire vis-à-vis de ce
type d’agent ne peut être quantifié que de manière statistique dans la mesure
où chaque organisme a sa propre réponse face à un polluant. Pour illustrer cela
par un exemple simple, nous pouvons prendre l’exemple du fumeur : la fumée
de cigarette contient un grand nombre d’agents cancérogènes avérés, pour
autant, le fumeur ne développera pas nécessairement un cancer. Selon sa
vulnérabilité personnelle, ainsi que l’ensemble des éléments endogènes ou
exogènes au cours de sa vie (génétique, alimentation, activité sportive,
exposition à d’autres polluants…) la réponse en terme de santé sera
individuelle, bien que soumise à un risque statistique réel.
S’agissant du TCE, les valeurs citées plus haut, ont donc
bien été déterminées sur la base d’un risque statistique acceptable. La valeur
d’action rapide de 10 µg/m3 correspond à un excès de risque de 1 cas pour 100 000.
Ce risque statistique a permis de dire qu’il n’y avait pas d’urgence sanitaire,
c’est-à-dire, ainsi que l’a précisé l’ARS, il n’y a pas d’urgence à consulter
son médecin. Toutefois le risque statistique acceptable étant dépassé, il était
donc nécessaire dès lors que cette pollution était connue, de faire cesser l’exposition
rapidement. La fermeture du collège dans l’attente de travaux de dépollution
semblait donc une évidence.
La fermeture de ce collège n’était, selon nous, pas une
simple précaution mais bien une nécessité. En revanche cette constatation n’influe
en rien sur le besoin de trouver des solutions adaptées pour une poursuite dans
les meilleures conditions possibles de la scolarité des enfants concernés.
Pourquoi cette pollution n’a pas été découverte plus
tôt :
Il apparait nécessaire, qu’une recherche approfondie dans
les archives municipales et départementales soit effectuée afin de conserver
une mémoire la plus complète possible sur les activités passées des différents
territoires. Ceci est d’autant plus vrai avec l’évolution vers la Métropole du
Grand Paris qui risque de diluer plus encore cette connaissance mémorielle.
Une autre campagne règlementaire portant sur la qualité
de l’air intérieur, lancée en 2013 est actuellement en cours à l’échelle
nationale. Au niveau de la Ville de Vincennes, la Mairie a déjà fait effectuer
les contrôles dans ses crèches et écoles maternelles. On peut alors se demander
pourquoi les problèmes en solvants chlorés n’ont pas été détectés à cette
occasion, au sein de la crèche Liberté et du réfectoire de l’Ecole Maternelle
du Nord ? Tout simplement parce que le cadre réglementaire en la matière, n’enjoint
de vérifier que 3 substances : le formaldéhyde, le benzène et le dioxyde
de carbone. Le tétrachloroéthylène a été ajouté, mais uniquement si l’établissement
visé se trouve contigu à un pressing ou un stockage de vêtements nettoyés au
perchloroéthylène.
On peut donc en déduire que même si le collège
Saint-Exupéry avait fait l’objet de ce diagnostic de qualité de l’air intérieur,
le PCE n’aurait pas été recherché. Or en
matière de pollution, on ne trouve que ce que l’on cherche.
En conclusion, outre l’attention toute particulière sur
cette problématique dans les diagnostics de sols à construire, il nous semblerait utile que TCE et PCE soient
systématiquement recherchés dans les contrôles réglementaires de qualité de l’air
intérieur du bâtis existant puisque ces solvants sont bien souvent retrouvés dans
les bâtiments ayant été construits sur une ancienne friche industrielle de
petite ou grande ampleur.